Il y a deux types de personnes : ceux qui foncent et ceux qui les évitent.
Non, ce n'est pas un réquisitoire contre les habitudes de conduite de nos chers concitoyens, ni l'introduction d'une séance de coaching pour cols-blancs.
C'est le fruit de plusieurs mois d'une investigation approfondie effectuée sur un échantillon représentatif de la population natatophile d'une petite bourgade de banlieue parisienne.
Tout d'abord, il faut savoir que les gens sont bêtes : comme de par hasard, ils décident tous d'aller à la piscine AU MOMENT MÊME où on y va aussi !
Bon, cela dit, la piscine est grande, si chacun fait un petit effort, on pourrait nager tous ensemble dans la joie et la bonne humeur (et l'eau, accessoirement)
Mais non, en plus d'être bêtes, certains sont égoïstes. C'est la première catégorie, les fonceurs.
En général, ils nagent bien.
Ou pas.
Mais en tout cas, ils veulent le montrer et ils choisissent des nages à la con comme le crawl ou la nage sur le dos.
Nan, c'est très bien comme nages... quand on a la place.
Pasque le soucis principal (mais pour les autres, évidemment) c'est que le fonceur ne voit pas (ou ne regarde pas, pour ce que ça change...) ce qu'il y a devant lui. Il se contente de fuser à toute vitesse en ligne de droite, d'un bout à l'autre du bassin. Il ne craint aucun obstacle, les autres baigneurs ne lui font pas peur : il leur rentre dedans, leur donne des claques, les éclabousse et fait tellement de remous qu'ils avalent l'eau de la piscine par le nez (rah, mais bordel, comment j'ai horreur de ça !)
Bref, il s'imagine qu'à partir du moment où il ne regarde pas devant lui, il n'est pas responsable. Les autres (les esquiveurs) n'ont qu'à se débrouiller pour prévenir la collision.
Et ça c'est pas gentil.
Mais on peut toujours trouver pire. Aujourd'hui, par exemple, j'ai fait la connaissance de l'incarnation vivante de cette caricature.
Mais en pire.
Ce grand benêt, en plus de ne pas regarder qui il cognait, nageait particulièrement vite (ce qui rend la feinte plus ardue).
À vrai dire, ça ne me dérangeais pas tant que ça : j'avais pratiquement achevé mon heure hebdomadaire d'aller-retour dans la flotte, je m'apprêtais à partir dans les minutes qui suivraient. Mais à peine était-il rentré dans le bain qu'il s'attirait déjà les reproches de la plupart des esquiveurs. Je me suis dit qu'il fallait bien que quelqu'un le remette à sa place, et comme j'avais des envies de klasher...
Je l'attends donc à un bout du bassin, espérant qu'il s'arrêtera un peu avant de faire demi-tour.
"Excusez-moi... Excusez-moi... CONN...MONSIEUR !"
Aaah, il me regarde, il a l'air d'avoir détecté ma présence.
"Je voudrais vous faire remarquer que vous êtes pas le seul dans le bassin."
Il me regarde bizarrement. Je devrais peut-être éviter les mots de plus de trois syllabes ?
"Vous tracez, comme ça, sans regarder où vous allez, et vous donnez des coups à tout le monde.
- Moi aussi je m'en prends, des coups.
- Bah, normal, vous faites pas gaffe aux autres personnes. Et les autres doivent s'écarter.
- Je te signale que moi aussi je dois t'éviter !
- Nan. Vous, vous allez tout droit. Les autres évitent.
- Tu sais où il est le problème ? C'est que les gens savent pas nager. Alors vas les emmerder eux."
Et le monsieur repart, toujours aussi vite, avant que j'ai pu répliquer.
Je trouve que c'est vraiment l'égoïsme poussé à son comble, dans tout ce qu'il a de plus stupide. C'est trop dur de renoncer pour une fois à ce cher crawl si passionnément adoré ?
Si chacun se met à fermer les yeux quand il nage, yaura rapidement beaucoup plus de monde au fond de la piscine qu'à la surface de l'eau (moi, je passerai après l'hécatombe et j'aurai toute la place que je veux \o/).
Qui a dit que l'Homme était un animal social ?...
Mais merde, quand même ! "Le problème, c'est que les gens savent pas nager."
